“Real Life Dressage”, un livre par Carl Hester

Carl Hester, c’est sans aucun doute le plus grand entraîneur de dressage actuel. Sa réputation en tant que cavalier le précède, mais également en tant qu’homme de cheval : quelque soit leur niveau, ses chevaux sortent tous les jours, à deux, travaillent en extérieur, vivent vieux... Il y a des choses à prendre chez l’homme qui a formé la grande Charlotte Dujardin ! Dans cet article, vous trouverez un résumé d’un de ses premiers livres, Real Life Dressage, sorti en 2004.

La conformation du cheval de dressage

L’ouvrage débute par la présentation de son piquet de chevaux. Il insiste d’emblée sur le fait qu’il n’y a pas de cheval parfait, et que l’idée même du dressage est de composer avec ce qu’on a, même quand la situation n’est pas idéale - en termes de conformation, de locomotion... Quelque chose que bon nombre de cavaliers actuels semblent parfois oublier, complexés ou frustrés par les moyens limités de leur partenaire équin. Carl Hester passe un message bienveillant et ouvert à ce sujet, sortant du cadre élitiste parfois regrettable du dressage..

Bien entendu, on ne parle pas de chevaux de loisirs, et son piquet a quand même pour objectif d’atteindre le Grand Prix… La description des chevaux vaut le détour : elle permet d’exercer son œil sur l’harmonie d’ensemble du cheval (pas selon des critères esthétiques, mais fonctionnels : longueur du dos par rapport aux jambes, place de l’encolure, place de l’épaule, et les avantages/problématiques que cela peut engendrer).

Le point d’attention que j’ai trouvé original car rarement discuté, c’est la bouche du cheval. Il fait attention que celle-ci ne soit pas gênée par le mors (langue trop grosse, par exemple), c’est une partie du corps qu’il observe méticuleusement. A lire à ce sujet, l’excellentissime blog de Laetitia Ruzzene. Il parle aussi de la place que les ganaches laissent à la mise en main… Et notamment aux capacités individuelles de chaque équidé.

La personnalité de ses chevaux n’est pas oubliée : certains sont plus ou moins enclins à travailler avec nous au début… A l’aide d’exemples concrets jalonnant son parcours, Carl Hester affirme que son objectif est soit de transformer le stress en énergie positive lors de l’entraînement, soit de motiver des chevaux paresseux ou peu intéressés. Je trouve que ce qui ressort de la description du mental est agréable à lire. Carl Hester semble gérer ses chevaux dans le respect de leur individualité, autant physique que mentale. Il prend le temps, c’est un élément qui revient très souvent dans le texte et qui me semble être une réalité universelle dans le contexte équestre.

Trouver le cheval idéal ?

Ceux qui connaissent un peu Carl Hester savent que lors des visites d’achat, il recherche surtout un bon pas, et un bon galop. “You can work with the trot” dit-il, tandis qu’un bon pas semble bien difficile à trouver. Pour la petite histoire, on raconte qu’il s’est procuré Valegro (multiple champion du monde et olympique) pour moins de 5 000 € à l’époque chez Van Olst en Hollande… La preuve que l’homme a l’œil et le nez pour dénicher de sacrées bonnes affaires.

Il sépare les chevaux en deux catégories qui vont faire tilt chez les Parellistes : les “whoa” et les “go“. Autrement dit, les chevaux qui veulent bouger, et les chevaux qui aiment moins ça, qu’on pourrait comparer aux introvertis/extravertis de chez Parelli ! Ou encore, dans un paradigme scientifique, les chevaux dont le mouvement spontané est fréquent, contrairement à ceux qui n’en manifestent que peu.

Pour Hester, il est surtout important que le cheval semble aimer ce qu’il fait… sinon quelque chose se brisera, et l’on n’obtiendra jamais ce qu’on désire.

Il teste les jeunes en touchant avec le stick la croupe, et s’ils ont le réflexe de l’abaisser, c’est bingo pour lui – mais il souligne aussi qu’il en a acheté qui ne réagissaient pas de façon “idéale”, sans que cela soit un handicap immuable. Ce réflexe indique qu’il sera facile de demander une flexion du bassin au cheval lorsque le moment viendra.

Il conseille de plutôt se fier à ce qu’on sent sous la selle (notamment sentir un bon rythme), plutôt qu’à ce qu’on voit lors d’une visite d’achat : déjà, parce qu’on a tendance à être aveuglé par un bon trot, et oublier le pas et le galop ; ensuite, parce qu’un cheval aux allures extravagantes aura parfois du mal à être rapide avec ses postérieurs, or… C’est probablement la première qualité qu’on recherche. Enfin, il faut savoir que des chevaux courts auront plus de mal à faire des pas de côté, tandis qu’il leur sera facile de piaffer, et c’est l’exact inverse pour les chevaux longs.

L’entraînement

En s’appuyant sur les chevaux variés présentés dans la première partie, il montre les potentiels problèmes qu’on peut rencontrer. Il base son travail sur l’échelle de progression allemande :

  • 1- Rythme

  • 2 – “Suppleness and looseness” : cheval libéré de toute tension physique ou mentale

  • 3 – Contact : bouche calme mais pas figée, mobile

  • 4 – Impulsion : volonté de se porter en avant

  • 5 – Rectitude : c’est un travail constant jusqu’au bout de la vie du cheval

  • 6 – Rassembler

Il insiste sur le fait que nombreux sont les chevaux intelligents, et qu’il faut respecter leur timing, rester patient et comprendre leur point de vue (quand un jeune stresse sur un concours, par exemple). Pendant la séance, vaut mieux se focaliser sur l’amélioration des problèmes, et terminer par les exercices sur lesquels le cheval excelle pour finir sur du positif.

Quand il arrive sur une compétition, il fait toujours faire le tour et ne force pas le cheval à être sur la main directement, il est rênes longues et laisse le cheval observer, sinon, il a constaté qu’il empirait le stress - quelque chose que bon nombre de comportementalistes ou éducateurs équins sauront confirmer.

Au quotidien, les chevaux suivent un entraînement 6 jours sur 7, composé ainsi :

  • 15 minutes de marche en extérieur.

  • 30/35 minutes de séance découpée en stretching, puis il aborde en attitude de travail un exercice, puis il finit sur du stretching à nouveau.

  • 15 minutes de marche à nouveau en extérieur, et retour au pré.

Carl Hester est très fan des transitions, qui représentent pour lui un travail primordial.

Le britannique travaille différemment les chevaux “go” des “whoah”:

  • les chevaux “go” travaillent avec beaucoup de longs moments d’allures, de cardio, avec un focus sur la qualité des arrêts, et des transitions descendantes.

  • les chevaux “whoah”, au contraire, ne vont pas faire des kilomètres d’allure car cela les fatigue mentalement, il suggère au contraire de faire beaucoup de transitions, de choses qui maintiennent leur intérêt et leur fraîcheur.

Gestion des jeunes

Il débute l’éducation d’un jeune sous la selle en apprenant séparément l’action des jambes, et des rênes. L’idée, c’est de mettre dans la tête du cheval que les jambes envoient l’énergie vers les rênes. Il ne les utilise jamais ensemble au début, puisqu’on risque de créer un conflit dans la tête du cheval, qui mène à des chevaux résignés qui tirent ou qui ne répondent pas à la jambe, ou pire, qui sont complètement stressés par l’incohérence des aides. En effet, il ajoute des jambes dans les transitions descendantes seulement plus tard dans l’éducation : la communication devient assez subtile pour que jambes = avancer les postérieurs, et plus seulement jambes = mouvement en avant.

Tous les jeunes chevaux s’effondrent dans les tournants : l’essentiel du travail consiste donc à leur apprendre à se soutenir via la jambe interne. On va donc utiliser des épaules en dedans, des cessions à la jambe, pour leur permettre de comprendre comment se connecter à la rêne extérieure.

L’autre problème le plus commun avec les chevaux jeunes dans le travail réside dans le contact. Pourquoi selon lui ? C’est simple : le cheval manque encore de force et de souplesse pour maintenir ses postérieurs actifs et son dos soutenu tout au long de la séance. Il fait preuve, donc, d’une grande tolérance et considère le contact comme un résultat, et pas comme un moyen.

Autour de 4/5 ans, le cheval doit pouvoir se déplacer en rythme, rond, sans contraction, droit dans les lignes droites, incurvé en cercle, effectuer des transitions douces, et rester calme à l’arrêt… Rien de plus.

Les grandes lignes de l’entraînement façon Hester

Quand il y a un problème, il ne faut pas l’éviter, bien au contraire : en dressage, il faut être prêt à y travailler sérieusement avec beaucoup de rigueur, tout en alternant avec des choses que le cheval aime faire, pour rendre la séance agréable et toujours finir sur une note positive.

Le stretching

Chez Carl Hester, le stretching est une des bases capitale de son équitation ! Il estime que c’est un exercice à part entière qui se travaille, car chez les jeunes, le stretching encolure basse combiné à un bon engagement des postérieurs est une tâche extrêmement difficile. Mais attention : chez Hester, quand on parle de stretching, ça n’est pas uniquement une extension d’encolure ! Elle est combinée à un gros travail d’engagement pour ployer le bassin, sinon, on n’étire pas réellement la ligne de dos.

L’erreur la plus commune, selon Hester, est de forcer le stretching. Le stretching vient des postérieurs et se reçoit dans les rênes, pas l’inverse. Si l’on rend les rênes, le cheval doit s’étirer naturellement en restant rond, sinon, il a perdu l’équilibre ; s’il lâche le mors, il ne s’étire pas véritablement.

Le travail latéral et longitudinal

Il parle assez longuement de la cession à la jambe : ça n’est pas un exercice de rassembler, mais de souplesse ! L’exact contraire de l’appuyer. Il aime beaucoup les cessions à la jambe, qui selon lui, aident beaucoup à faire comprendre le rôle de la jambe interne, et donc à redresser le cheval. Bien entendu, il fait faire beaucoup d’épaules en dedans, dès le début du travail et tout au long de la vie du cheval.

Carl Hester est connu pour son amour des transitions, qui sont extrêmement importantes. Il conseille d’en faire au moins 50 à 60 par séances… A savoir : le cheval doit pousser dans la transition montante, et freiner avec les postérieurs (pas les antérieurs) dans la descendante, pour que le travail de gymnastique soit efficace.

Un aperçu de la gestion du stress

Quand le cheval a peur, il conseille de le observer, lui montrer l’objet de son stress, mais surtout de ne pas toucher à sa tête, il précise même “don’t get too dressage orientated“, à vouloir absolument contrôler le placer en cas peur… Mieux vaut le laisser gérer, plutôt que d’empirer le problème.

Pour régler la traditionnelle peur du coin, il recommande de faire ses pauses dedans, et d’essayer toutes les options pour dédramatiser, mais de ne jamais réprimander, plutôt répéter pour créer de la confiance. En concours, si le cheval a montré des signes d’inquiétudes sur la piste, il suggère de rester jusqu’à la fin de la compétition pour pouvoir y retourner, et régler le problème, afin que le cheval quitte la piste confiant. Avec un jeune, le top est d’aller louer d’autres pistes, le monter avec d’autres chevaux pour l’habituer avant de sortir en concours.

Enfin, il parle également de la sortie au pré, essentielle pour tous les chevaux, certains comme Nip Tuck passent même leur vie dehors 24/24h.